En faisant du journal créatif, nous constatons régulièrement à quel point l’écriture permet une mise en perspective et une structuration de ce qui est vécu. En effet, l’écriture « offre de réorganiser, dans le temps et avec précision, de façon significative les expériences » (vacher, 2015, p. 66). Jacques Crinon (2014, p. 142) nous dit qu'elle « permet de sortir de l’ordre du spontané, de l’éphémère, donne matière à discussion et amène à reprendre le vécu pour en faire un objet de connaissance ».
Dès lors, nous pouvons nous demander comment intégrer les élèves dans ce processus, et particulièrement en ce qui concerne leurs apprentissages.
Un article de Jacques Crinon (2008) a attiré mon attention : « Journal des apprentissages, réflexivité et difficultés scolaires » (voir aussi "le journal des apprentissages" du même auteur sur le site de la CGé.). En voici un court résumé.
L’idée est de proposer aux élèves d’écrire ce qu’ils ont appris en classe dans un journal spécialement dédié à cet effet, et d’en échanger le contenu avec le groupe-classe.
C’est une « pratique libre », le journal n’est pas corrigé par l’enseignant, et ne fait pas l’objet d’une évaluation.
Cette alternance de l’écrit et de l’oral est importante. En effet, récapituler ses apprentissages permet à l’enfant de se situer dans le temps, apporte de la cohérence à ce qu’il a fait et relie les savoirs appris entre eux. En outre, les débats suscitent la réflexion, les prises de position et obligent l’enfant à préciser sa pensée.
L’intervention de l’enseignant est également essentielle, car elle permet de maintenir l’intérêt pour l’écriture, et à donner des indices, des aides pour relancer les enfants dans leurs récits.
Nous retrouvons dans cet exercice les avantages de l’écriture décrits ci-dessus, mais nous voyons également un exercice métacognitif dans les apprentissages. À long terme, nous pouvons alors en faire un moment réflexif, car cela permet à l’enfant de « percevoir ce qu’on apprend, sans s’en tenir aux tâches elles-mêmes ».
L’auteur a analysé plusieurs écrits d’élèves dans trois classes de « ZEP » et en a décelé trois phases (exemples et analyses dans le mémoire d'Anne-Cécile Duffez (2010) "UN EXEMPLE D’ÉCRITS RÉFLEXIFS AU CYCLE III : LE JOURNAL DES APPRENTISSAGES" ) :
- D’abord, ce sont des listes d’actions, des récits de moments vécus, des impressions. L’élève « se différencie rarement du groupe classe » et utilise le « nous ».
- Après, l’élève décrira ce qu’il a personnellement retenu de sa journée, et passera du « nous » au « je ».
- Enfin, nous verrons un passage du « j’ai fait » au « j’ai appris »
Quand le mettre en place ?
De façon hebdomadaire ou journalière, le soir à la maison ou en classe, à chaque enseignant de s’approprier l’outil. Ce qui est important, c’est la lecture collective de certains journaux le lendemain, suivi d’un débat. À la suite de cela, les élèves ont la possibilité de modifier ce qu’ils ont écrit dans leur journal.
Ce dont il faut tenir compte, c’est que ce dispositif requiert du temps. C’est un processus long qui demande de la régularité, de la patience et de la persévérance de la part de l’enseignant. Il s’agit de mettre en évidence la production des élèves, de ce qu’ils en disent le matin, les interventions des autres enfants, les demandes d’explications, de les aider à passer du « on a fait » au « j’ai appris », etc.
Je vous invite également à réfléchir comment intégrer, en plus de l’écrit, une dimension « créative ». Je pense, comme nous le faisons dans le journal de bord, au dessin, au collage, aux couleurs …